25 mars 2007

La société de l'information 2.0

L'engouement que suscitent aujourd'hui les nouveaux outils de publication sur Internet (blogs, wikis, CMS, podcasts, vlogs, etc.) nous invite à questionner leur impact sur la production, la diffusion et la réception de l'information, dans une «société de l'information» qui porte de mieux en mieux son nom.

I. TIC : DE NOUVELLES FONCTIONNALITÉS

A. La désintermédiation
Grâce au web, lecteur et auteur, acheteur et vendeur, citoyen et responsable politique peuvent entrer en relation directement.

B. Des médias "à la carte"
Des agrégateurs de contenus aux plate-formes vidéo, comme YouTube (propriété de Google) ou Dailymotion, la Toile offre maintenant autant de médias qu'il y a d'internautes.

C. Blogs et wikis
Quand l'échange, le partage et la création collaborative (all to all) supplantent la relation pyramidale (one to all) instaurée par les médias traditionnels.

II. VERS L'E-DÉMOCRATIE ?

A. Un contre-pouvoir citoyen
Face aux pouvoirs publics et privés, les nouveaux outils de publication sur le web apparaissent comme un véritable contre-pouvoir.

B. Validation a posteriori
Au modèle de la validation a priori succède un nouveau modèle de validation, fondé sur la modération collective des «écri-lecteurs».

C. Esclavage 2.0
Désappropriation de nos vies, googelisation de nos données personnelles et professionnelles, travail non rémunéré... tels sont les dangers que certains pointent du doigt.

Un article récent de Frédérique Roussel paru dans Libération le 23 mars évoque le formidable succès d'Agoravox, «le média citoyen», première plate-forme multimédia mise à la disposition de tous pour diffuser des informations inédites ou s'exprimer sur de grands sujets de société. «L'expérience Agoravox, écrit la journaliste, prouve d'abord l'existence d'un bouillonnement participatif dans une société critique envers les politiques et les médias.»

18 mars 2007

L'impact des médias

Chercheurs et analystes se sont très tôt intéressés aux effets que les médias peuvent produire sur l'opinion publique. À une vision un peu simpliste, postulant une manipulation des consciences à grande échelle, ont succédé des travaux plus rigoureux, s'appuyant sur des enquêtes chiffrées, qui relativisent l'influence des médias.

I. LA THÉORIE DE L'EMPRISE

A. L'illusion de la toute-puissance
Harold Lasswell s'enflamme pour les médias, capables selon lui d'inoculer n'importe quelle valeur à une foule atomisée et passive (1927).

B. Une influence contestée
Les enquêtes menées dans le cadre de la Mass Communication Research dès les années 40 remettent sérieusement en question l'impact direct des messages médiatiques sur le récepteur.

II. L'APPROCHE FONCTIONNALISTE

A. Un processus en deux étapes
Les enquêtes dirigées par Paul F. Lazarsfeld et son équipe dans les années 40-50 montrent l'importance des relais ou des leaders d'opinion dans le processus de communication (théorie du two-step flow).

B. Les médias comme activateurs de débats
S'ils ne nous disent pas ce que nous devons penser, ils nous disent néanmoins quotidiennement à quoi nous devons penser (théorie de l'agenda setting).

C. Ce que les gens font des médias
Elihu Katz s'est penché sur les usages que les récepteurs font des médias et sur les gratifications qu'ils retirent de leurs pratiques médiatiques (théorie des Uses and Gratifications).

III. L'HÉGÉMONIE DES INDUSTRIES CULTURELLES

A. La notion d'industrie culturelle
Pour Adorno et Horkheimer, la production industrielle des biens culturels entraîne une standardisation des esprits et des goûts.

B. Des instruments de domination ?
Médias et programmes sont contrôlés par quelques «multinationales de la communication» qui diffusent ainsi normes et modèles culturels à l'échelle planétaire.

Musclé et décapant, cet article d'Ignacio Ramonet paru en octobre 2003 dans Le Monde diplomatique dénonce les «archipouvoirs des mégagroupes médiatiques de notre temps» et suggère la création d'un «cinquième pouvoir» pour que soit garanti le droit à une «information non contaminée».

12 mars 2007

Le discours informatif

Discours d'une espèce bien particulière, le discours d'information médiatique a su tirer profit de tous les progrès réalisés dans les domaines du son, de l'image et de la transmission des données. Les médias audiovisuels sont désormais capables de couvrir, à chaud, n'importe quel événement dans n'importe quel point du monde. Mais si l'information a gagné en vitesse, elle n'a pas nécessairement gagné en fiabilité. L'impératif du « scoop », dans un contexte fortement concurrentiel, multiplie les risques de désinformation.

I. DES CONTRAINTES SITUATIONNELLES

A. Un contrat de communication spécifique
Le discours informatif s'engage à faire connaître au public les faits marquants de l'actualité dans leur nouveauté, leur immédiateté et leur authenticité.

B. Les agences de presse
Censées fournir aux médias l'information « brute », elles agissent comme des filtres, effectuant un premier tri et orientant les analyses à venir. Pour exemple, découvrez ici le « fil » de l'AFP.

C. Des critères communs
Communs à l'ensemble des médias d'information : des critères d'actualité, de proximité et de sensationnalisme (à des degrés divers).

II. LA « CONSTRUCTION » DE L'ÉVÉNEMENT

A. Saillance et prégnance
Un fait d'actualité ne peut accéder au statut d'événement qu'à certaines conditions.

B. Un réel déjà prédécoupé
L'événement doit pouvoir s'insérer dans l'une des catégories, ou rubriques, de l'espace rédactionnel.

C. Mise en intrigue, mise en discours
L'événement-dépêche est réécrit et scénarisé en fonction des attentes présumées du public-cible.

III. DES VISÉES CONTRADICTOIRES
Prise entre la volonté d'informer et le souci de séduire, l'information médiatique doit concilier des stratégies contradictoires, selon l'analyse de Patrick Charaudeau.

A. Des stratégies de crédibilité
Pour emporter la confiance du récepteur, seront recherchés des effets d'authenticité et de vérité.

B. Des stratégies de séduction
Mais il s'agit aussi de toucher l'émotivité du récepteur, par la mise en œuvre d'effets de dramatisation et/ou de ludisme.

C. Une légitimité sans cesse menacée
L'exercice d'information est périlleux, le récepteur pouvant à tout moment retirer sa confiance.

Auteur des Petits Soldats du journalisme (2003), le journaliste François Ruffin dénonce, dans cet article paru dans Le Monde diplomatique en février 2003, l'enseignement dispensé par les écoles de journalisme, qu'il accuse de fabriquer « en série » des professionnels résignés à produire une information fade et dégradée.

04 mars 2007

Problématiques de la réception

Récepteurs, consommateurs, audience, public... Issues du courant des ‘Uses and Gratifications’, de nombreuses recherches sont menées à partir des années 70 sur la façon dont les «récepteurs» vivent et s'approprient les médias. L'observation des spectateurs et l'analyse minutieuse des discours qu'ils tiennent sur leurs pratiques médiatiques nous enseignent que la réception des médias fait l'objet d'une véritable négociation sociale et identitaire.

I. PRODUCTION DE SENS ET INTÉGRATION CULTURELLE

A. Des récepteurs actifs
Contrairement à ce que laisse croire le modèle de Shannon et Weaver, le récepteur ne se contente pas de recevoir passivement l'information.

B. Lectures préférentielles
Pour Stuart Hall, codage et décodage sont rarement symétriques; à côté du décodage de négociation (message partiellement reçu, ou adapté localement par le récepteur), on trouve le décodage d'opposition (refus d'adhérer, rejet des contenus).

C. L'esthétique de la réception
Hans-Robert Jauss introduit en 1967 la notion d'horizon d'attente : le plaisir de la lecture naît d'un dialogue complice avec le lecteur.

II. ANALYSE DES PRATIQUES TÉLÉVISUELLES
Sur la consommation de la télévision, les clichés abondent. Notamment celui selon lequel le public resterait «scotché» face à son poste de télévision, piégé par la force des images.

A. Un objet fuyant
Le téléspectateur ne se laisse pas facilement étudier — preuve qu'on peut faire partie de l'audience sans faire partie du public d'une émission !

B. Un objet central
Au centre des foyers, au centre des conversations, au centre de la société, la télévision est omniprésente.

C. Des pratiques contextualisées
La réception télévisuelle dépend beaucoup de l'environnement relationnel dans lequel elle s'inscrit (contexte de visionnement).

Les travaux de la sociologue Dominique Pasquier, spécialiste des usages des médias, sont partout cités. On pourra lire sur le site de la revue CLIO un compte rendu de son livre La Culture des sentiments (livre consacré en 1999 au succès de la série Hélène et les garçons), ou bien télécharger, sur le site du CNRS, cet excellent article sur les difficultés méthodologiques que posent les études sur la réception de la télévision.

12 février 2007

Propagande et manipulation des masses

Contrairement à une idée reçue, les régimes totalitaires ne sont pas les seuls à recourir à cette forme de manipulation médiatisée qu'on appelle la propagande. Nos démocraties y succombent également, soucieuses de convaincre leurs opinions publiques du bien-fondé de leurs actions.

I. DANS L'UNIVERS DU MENSONGE

A. La persuasion médiatisée
À côté des formes de persuasion dure (propagande politique), il existe de multiples formes de persuasion douce, sans doute moins visibles mais tout aussi efficaces.

B. La parole manipulatoire
Dans La Parole manipulée (2000), Philippe Breton définit la manipulation comme «mensonge organisé, privation de liberté de l'auditoire et outil pour vaincre sa résistance.»

C. Les techniques de la manipulation
Elles consistent soit à jouer sur les affects de l'auditoire, soit à fabriquer de faux raisonnements destinés à le tromper.

II. L'ÈRE DES FOULES

A. La psychologie des foules
Selon Gustave Le Bon (La Psychologie des foules, 1895), la foule est dotée d'une sorte d'«âme collective» qui rend les individus qui la composent particulièrement crédules et influençables.

B. Le viol des foules
Viol que la propagande politique réussit à perpétrer en se greffant en quelque sorte sur l'inconscient collectif de la foule (Serge Tchakhotine, Le Viol des foules par la propagande politique, 1939).

III. LA PROPAGANDE POLITIQUE

A. Les mass media au service de la manipulation des masses
Profitant de l'explosion des médias de masse, la propagande est passée, au XXe siècle, du stade artisanal au stade industriel!

B. Ses caractéristiques internes
La propagande politique obéit à des règles internes et externes (Jean-Marie Domenach). Parmi les premières, la règle de la simplification, du grossissement, de l'orchestration et de la contagion.

C. Ses caractéristiques externes
Pour être efficace, la propagande doit respecter, à l'égard de ses publics, des règles d'opportunisme, de polyvalence et de globalité.

«La propagande de Goebbels, dira Hitler, est une de nos armes de guerre les plus efficaces.» Vous trouverez sur Wikipédia la biographie de Goebbels et sur HSGM, site consacré à l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, de nombreuses affiches de propagande, tant au service de l'Axe qu'au service des Alliés.

28 janvier 2007

Signe, sémiotique et sémiologie

Le sémiologue, dit Umberto Eco, est celui qui voit du sens là où les autres ne voient que des choses. En effet, associée aux noms de Peirce, Saussure, Hjelmslev, Greimas et quelques autres, la sémiologie s'intéresse à la façon dont le sens est produit et interprété.

I. ORIGINES ET OBJET DE LA SÉMIOLOGIE
Les sciences du signe se sont développées à partir de deux sources indépendantes : la sémiotique de l'américain Charles Sanders Peirce et la sémiologie du suisse Ferdinand de Saussure.

A. L’approche américaine
La sémiotique peut être définie comme la théorie générale des signes et de leur articulation dans la pensée (Peirce).

B. L’approche européenne
Une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale, qui nous apprend en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent : c'est ainsi que Saussure définit la sémiologie.

II. LE CONCEPT DE SIGNE

A. Une chose pour une autre
Une chose est perçue qui renvoie à une autre chose qui n'est pas là : tel est d'abord le signe.

B. Une entité à deux facesLe signe linguistique est une entité double formée par la combinaison d'un signifiant et d'un signifié (voir sa définition dans l'article de Wikipédia).

C. Icone, indice, symbole
Peirce classe les signes en fonction du rapport qu'ils entretiennent avec les choses qu'ils désignent.

III. LA SÉMIOLOGIE DE L'IMAGE

A. L'articulation des faits de langage
Les unités du discours prennent sens à partir de deux axes : l'axe syntagmatique et l'axe paradigmatique.

B. Les objets comme supports de signification
L'assemblage de configurations signifiantes dans une image nous autorise à l'analyser comme un discours (Barthes).

Pour ceux qui seraient tentés d'aller plus loin, la Toile regorge de ressources. Entre autres, un glossaire de sémiotique que l'on doit à Pascal Vaillant, ou bien, plus parlant peut-être, un exemple d'analyse sémiologique appliquée aux images publicitaires.

18 janvier 2007

De la rhétorique au discours publicitaire

Y a-t-il, comme l'a soutenu Platon, un usage illégitime du langage quand il est employé aux fins de séduire, de manipuler ou d'ensorceler l'auditeur ? Les questions suscitées par la rhétorique à ses débuts se posent aujourd'hui avec plus de gravité encore, à l'heure où les techniques de persuasion ont envahi tous les domaines de notre vie sociale.

I. L'EMPIRE DU DIRE

A. Rhétorique et démocratie
Pourtant née de la démocratie, la rhétorique la menace sans cesse de ruine, sous ses formes tyranniques ou démagogiques.

B. L'instrument de la persuasion
La rhétorique est « la faculté de considérer, pour chaque question, ce qui peut être propre à persuader » (Aristote, Rhétorique).

C. Convaincre pour vaincre
Pour plaire, séduire et dominer, une seule arme désormais : la parole.

II. LES MOTS DE LA PUBLICITÉ

A. Le mensonge originel
Des produits créés pour satisfaire des besoins... suscités par la publicité même de ces produits !

B. Des leviers multiples
Capter l'attention, séduire, impliquer, fidéliser le récepteur-consommateur : tels sont les objectifs que doit atteindre, en quelques mots, le slogan publicitaire.

C. L'humour
La publicité humoristique instaure une sorte de connivence entre le récepteur et l'émetteur — connivence censée rejaillir sur la perception du produit.

À lire, de Philippe Breton, l'auteur de L'Argumentation dans la communication (La Découverte, 2003), cette intéressante contribution parue dans Le Monde en avril 2004 : «La "pub" est-elle bienfaisante ou nocive ?» sur l'ambivalence du discours publicitaire.

15 janvier 2007

McLuhan, prophète du village planétaire

Auteur de formules chocs qui ont fait le tour du monde, le sociologue canadien Herbert Marshall McLuhan (1911-1980) est l'homme qui, dès les années 60, a prédit l'arrivée d'Internet. Fondateur à l'université de Toronto du Center for Culture and Technology, il s'est principalement consacré à l'étude de l'impact des moyens de communication sur la culture et la société.

I. UN DÉTERMINISME TECHNOLOGIQUE

A. Les quatre âges de l'humanité
Ce sont nos techniques de communication qui déterminent nos modes de perception et de connaissance. À chaque âge son medium, de la parole aux médias électroniques.

B. Un modelage mutuel
Nous façonnons des outils qui, à leur tour, nous façonnent...

C. World is a global village
Un « village global » où chacun serait en relation avec chacun. McLuhan en a rêvé; Internet l'a fait !

II. UNE GRAMMAIRE DES SUPPORTS

A. Des prolongements du corps humain
Plus qu'un moyen, le medium est une prothèse de l'œil, de la main, de l'oreille et, au-delà, du système nerveux.

B. « Le medium EST le message »
L'essentiel n'est pas dans le contenu transmis, mais dans le mode de transmission.

III. VOTRE MEDIUM : CHAUD OU FROID ?

A. Les médias chauds
Caractérisés par leur forte définition, ils laissent peu d'initiative au récepteur.

B. Les médias froids
Caractérisés par leur faible définition, ils incitent le récepteur à s'impliquer.

Ce mélange d'idolâtrie technophile et d'utopie libertaire a donné naissance à ce qu'on appelle «l'idéologie californienne». Un article de la revue Hermès, signé de Richard Barbrook et Andy Cameron, montre les contradictions et les limites de cette idéologie qui a depuis peu gagné la jeunesse européenne.